...ce n’est pas une nouvelle rubrique ni véritablement une chaîne.
Il est de mon avis que tout le monde s’est au moins pris une veste mémorable dans sa vie. Si ce n’est un puissant mistral, au moins une anecdote amusante, voir singulière. Peut-être même une rafale traumatisante qui sait ?
Bref, j’inaugure ici le mouvement « Autant en emporte le vent » et j’invite quiconque lisant ces lignes à en répondre sur son petit univers virtuel, ou bien en commentaire, voir en mail à diffuser ici, qu’importe.
Quel en est le but ?
Aucun si ce n’est celui de me faire rire (j’adore rire du malheur des autres). Et puis il y a quelque chose dans le vent de singulièrement amusant et sympathique, qu’on en soit l’auteur ou la victime d’ailleurs.
Mais attention, je ne vous parle pas du petit vent sociétal. Je vous parle de la bourrasque amoureuse, de la frasque sentimentale humiliante, de la situation cocasse et embarrassante.
M’enfin tout ça c’est relatif bien sur.
Évidemment j’ai bien conscience qu’il me faut livrer ici mon souvenir pour lancer le mouvement (ça tombe bien j’adore parler de moi). Allons-y… (ça te fait plaisir de me connaître ?)
(Flou artistique) Voix off : La scène se passe à Cannes en 1998 (fondu enchaîné sur la Croisette cannoise)
Je cours comme un dératé sur le bord de mer vêtu d’un smoking 4 fois trop grand.
Il est 19h30 et j’ai dans les mains 2 tickets gagnants pour la montée des marches du Festival du film.
(vas-y là c’est quoi ce bordel explique – ok ok…)
(Flou artistique) Voix off : La scène se passe chez un conseiller municipal de la mairie de Cannes chez qui je fais du baby-sitting.
D’habitude je garde les mômes pendant que monsieur va jouer au golf avec Sharon Stone, mais ce soir il est fatigué, il n’ira pas monter les marches. Du coup, je me retrouve avec 2 entrées, sans costard, à l’autre bout de la ville, et environ 10 minutes pour fouler le tapis rouge. Je me précipite chez moi (j’habite en face) et enfile le smoking de mon père, une armoire normande d’1m86 maître nageur et entraineur, je vous laisse imaginer la taille du costard.
Pas le temps de me rendre compte à quel point je suis ridicule, il ne me reste que 5 minutes. Je pars en sprint de chez moi, essuyant les railleries moqueuses du vendeur de pizzas dans son camion.
Quelques 5 minutes plus tard, je me retrouve essoufflé devant le bar de Daniel Ducruet, à 2 kilomètres du Palais des Festivals. J’en arrive rapidement à la conclusion que je n’y serais jamais à temps.
J’accoste un 4X4 au feu rouge : « Si vous m’emmenez au Palais des Festivals je vous fais rentrer ! ».
Le chauffeur me répond : « C’est gentil mais la route est barrée de toutes façons ».
Diantre ! Il dit vrai. Mes mocassins taille 48 sont mon seul moyen de locomotion.
Je reprends ma course, ignorant les flots de sueur qui dégoulinent sous ma chemise et le flic au sourire narquois qui me regarde sauter la barrière comme si j’avais la mort au trousse.
J’arrive bientôt devant l’hôtel Martinez et le Plateau de Nul Par Ailleurs envahi par la masse (on est en plein direct).
Je suis proche de l’abandon quand soudain, le miracle se produit : une jeune demoiselle sortant du plateau pénètre dans une coccinelle. La route est libre puisque bloquée quelques dizaines de mètres en amont. C’est la ligne droite vers les prestigieuses marches du Palais et mon rendez-vous avec la gloire.
« Excusez-moi mademoiselle, pourriez-vous me déposer devant le Palais des Festivals ? » - « Bien sur montez ! »
Me voilà conduit par une superbe créature, en coccinelle, vers la ronde des limousines déposant les plus grandes stars de ce monde aux pieds du prestigieux tapis rouge. C’est la méga classe. J’ose l’approche.
« Ca vous dit de monter avec moi... les marches ? »
« C’est très gentil mais je ne peux pas, je dois retourner à Saint-Tropez. Je joue dans Sous le Soleil. »
« Ah… tant pis alors. » (NON malheureux, ce n’est pas le vent en question ! attend la suite)
« Vous êtes producteur ? »
Éberlué qu’on puisse prendre un gamin acnéique de 17 ans pour un producteur de cinéma, j’hésite un instant à donner corps à la supercherie, puis me rend compte que c’est con.
« Heu non… j’ai juste des places… » (elle semble déçue)
Arrivé devant les marches, je m’extirpe de la coccinelle sous les objectifs avides des photographes survoltés et des touristes ahuris désespérés de savoir si je suis connu ou pas. (ou pas)
Je m’avance vers les marches gardées par plusieurs vigils déguisés en pingouins. Ptin… c’est dommage quand même, j’ai deux entrées et je suis seul.
Pris d’un élan d’altruisme, je m’esquive de quelques mètres et me retrouve face au troupeau de touristes consignés derrière les barrières de sécurité. Je suis seul, je suis beau, je m’adresse à la plèbe tel un Jésus de Nazareth.
« Oyez oyez braves gens » (non j’ai pas osé)
« Heu… J’AI DEUX PLACES ! SI QUELQU’UN VEUT VENIR AVEC MOI ! »
La foule m’observe. Très vite, les plus téméraires se jaugent les uns les autres. Qui aura l’audace de franchir la rambarde et m’accompagner dans le monde merveilleux des stars ?
Après quelques secondes de flottement, un homme en short, tongs et chemise Hawaïenne saute la barrière.
« Moi je viens ! »
« heu…. ouai mais on a un problème… c’est nœud pap obligatoire… »
Je me retourne alors vers la foule :
« L’idéal serait une fille en robe ! »
Une fille en robe. Une fille. Une fiiiiillleuuuuh.
S’élève dans les airs une voix décidée : « Merde… j’y vais ! »
Et c’est ainsi que Manon des Sources, dans sa petite robe d’été à fleurs, saute la barrière pour me rejoindre (l’hawaïen retournant tête basse dans l’enclos à bovins).
Je ne me rappelle plus son prénom, à peine son visage (elle avait des gros seins, ça je m'en rappelle). Elle était blonde, la silhouette affinée, les yeux vert, bref jolie quoi.
Je lui tends mon bras qu'elle saisit avec classe (gentleman) et nous nous avançons fièrement vers les contrôleurs. Je leur tends mes deux tickets. Ils nous dévisagent avec un grand sourire. Il faut dire qu’on est parfaitement ridicule, moi nageant dans mon costard, elle, encore du sable de plage entre les doigts de pieds.
Nous montons les marches sous une pluie de flashs aux côtés de Patrick Poivre d’Arvor.
Sa mère hurle « TU REVIENS QUAND ? »
Elle se retourne discrètement et hausse les épaules.
Nous pénétrons dans le Palais, soudainement entourés de Sigourney Weaver, Dominique Farougia, Chiara Mastroianni, Winona Ryder et MC Solaar.
Nous sommes guidés jusqu'au balcon (pas assez connus – un jour viendra…)
Nous nous installons. Le film (My Name is Joe de l’écossais Ken Loach) a déjà commencé. Je m’adresse en anglais à mon voisin de gauche pour impressionner ma compagne. En réponse elle pose sa main sur mon bras et me dit « Je vais aux toilettes je reviens tout de suite ». (A l’époque je ne savais encore que cette phrase voulait dire « Je me casse ne m’attend pas »)
Bien évidemment, durant son absence, j’élaborais sournoisement toutes les étapes de mon plan drague. Ce que j’allais dire à son retour, ce que j’allais oser faire dans la pénombre de la salle, les arguments chocs pour la convaincre de ne pas rejoindre sa famille au terme de la séance. J’imaginais déjà comment illuminer ses vacances sur la côte… bon dieu elle en mettait du temps pour revenir des toilettes...
Bien sur je ne la revis jamais. J’ose espérer que ce n’est pas entièrement de ma faute mais j’ai de gros doutes. Lorsque la lumière se ralluma, mon voisin me tança d’un sourire plein de compassion.
Connard…
Voilà c’était mon vent. Quelqu’un d’autre ?
EDIT: A lire, le vent mémorable du docteur Ffolkes